R.I.P. Gilles Dowek
Le 21 juillet 2025, Gilles Dowek est décédé. J’ai eu l’honneur de travailler avec lui pendant quelques mois dans son groupe de travail, DEDUCTEAM, à partir de 2019 jusqu’au début de la pandémie Corona. Voici quelques mots pour cette triste occasion.
Gilles Dowek était un chercheur et un homme exceptionnel. Parmi tous les chefs que j’avais jusqu’à maintenant, c’était le meilleur. C’est pourquoi je suis attristé qu’il a dû nous quitter à seulement 58 ans. Il aurait pu encore faire tellement plus.
Gilles exposait une énorme positivité qui se voyait dans tout ce qu’il faisait. Il portait souvent un sourire très coquin, et je ne me souviens d’aucune occasion où je l’ai vu fâché où agacé. Il était très “zen”.
Je le voyais le plus souvent lors de nos déjeuners en groupe au Resto’U, qui étaient toujours très animés par la politique. Dans ces occasions, il nous racontait quelque fois de son engagement pour l’enseignement de l’informatique, où on voyait qu’il ne se contentait pas d’être un professeur à l’université, mais qu’il avait des ambitions d’améliorer aussi les conditions politiques. Malgré le fait qu’il avait manifestement des contacts avec des gens très importants, il restait toujours très modeste en parlant avec nous. Il nous attribuait autant d’attention qu’à un ministre d’état.
Quand je relis ses courriels, je remarque une très grande proportion de mots positifs: Souvent, ses messages commençaient avec “Les amiEs”, pour finir avec “Amitiés” ou “Amicalement”. Entre ces lignes, il écrivait très, très souvent “Super” et “Merci”. Une incroyable gentillesse émanait des ses paroles et de ses regards. Je ne me rappelle pas de lui d’une seule reproche, et pas d’un ordre. Il nous proposait des choses, mais il acceptait un “non”, et pouvait même en sourire. Il a toujours montré un grand respect pour moi, et en échange, je lui gardais aussi toujours un énorme respect.
Je me rappelle d’une occasion où il a pris rendez-vous avec moi dans son bureau, pour me convaincre de rester dans la recherche. Il m’a dit quelque chose du style qu’il me pensait apte pour cela. Ça m’a touché, car je sentais qu’il disait pas ça pour son propre profit, mais qu’il était sincèrement intéressé par moi et mon destin. Ce genre d’encouragement et intérêt est rare, et autant plus précieux.
Gilles était un chercheur et chef exceptionnel. Il savait où il fallait lâcher prise, et il savait manier chacun et chacune à sa manière pour donner de son mieux. Et ça voulait aussi dire qu’il laissait du temps si on en avait besoin. Par exemple, le projet pour lequel j’étais engagé originalement ne m’a pas autant inspiré, et j’ai commencé à analyser et chercher à comprendre le logiciel principal que Gilles nous a légué, c’est-à-dire Dedukti. Quelqu’un d’autre aurait peut-être empêché ma divergence, mais Gilles m’a laissé faire à mon rythme, même si pendant longtemps, mon travail aurait peut-être pas forcément gagné le prédicat “productif”. En échange, ma diversion a produit un joli article, et elle forme la base de mon travail actuel, cinq ans plus tard. Quand j’ai présenté mon article, Gilles a fait une petite remarque à propos de la distinction entre la mémoire à court terme et long terme. Cette remarque a germé dans ma tête, et plus tard, elle a porté des fruits, en inspirant toute seule une toute nouvelle piste de ma recherche, qui a donné naissance à un autre très joli article. Avec peu de mots, il avait une influence profonde.
Une de mes anecdotes favoris avec Gilles est la suivante: Gilles voulait qu’un doctorant fasse un site web pour son projet Logipedia. Mais le doctorant disait toujours “oui, oui” à ces demandes, sans que jamais quelque chose en suivait. Du coup, un jour, Gilles a pris toute sa journée (malgré son planning très chargé) et s’est assis à côté du doctorant, en le regardant faire le travail demandé. Et ainsi, le site web était complété.
Je voudrais remercier Gilles pour sa profonde humanité et son humeur. Pour l’atmosphère d’amitié qu’il a fait régner dans son laboratoire, et pour sa compréhension et sa patience. Pour son soutien et pour son œuvre. Pour son engagement et son attention pour autrui. Il est un phare et un modèle pour moi.
Merci, Gilles, c’était super avec toi !
Amicalement,
Michael